"Publier son livre à l'ère numérique". Interview d'Elizabeth Sutton
La conception d’une couverture de livre est cruciale lors de sa création en auto-édition ainsi que de tout autre média. Elle attire l’attention, incite à la découverte et donne une première impression sur le contenu du livre. Choisir un ou des bons visuels de couverture est donc primordial dans la réussite de votre ouvrage.
Elizabeth Sutton nous a accordé une interview à l'occasion de la sortie du Guide "Publier son livre à l'ère numérique".
Son parcours, son expérience, sa vision, la notion d'auteur-entrepreneur, elle nous dit tout.
"Ce qui est sûr, c’est que les indés devront devenir de plus en plus professionnels pour émerger"
Vous avez quinze ans d’expérience dans le monde du livre. Quel a été votre parcours ?
J’ai travaillé pendant un peu plus de quatre ans chez Amazon France au département livre. Je faisais partie de l’équipe de lancement en 1999. Chez Amazon j’étais responsable de l’optimisation du catalogue visible en ligne, travaillais sur des concepts marketing et sur les prémices du Kindle avec mes homologues à l’international.
Puis j’ai rejoint le groupe Hachette, je travaillais en tant que directrice web marketing pour 3 maisons du groupe, j’ai également contribué aux premières offres d’ebooks de ces maisons. En 2010 j’ai quitté le groupe et j’ai décidé de créer ma structure de conseil pour accompagner les acteurs de la chaîne du livre vers la transition numérique (stratégie business, numérisation, accompagnement des auteurs indépendants, des bibliothèques, des librairies), marketing et communication autour du livre numérique etc. En parallèle, j’ai créé IDBOOX.com avec Frédéric Danilewsky. Le site est dédié à l’actualité du livre numérique et de la High-tech et bénéficie d’une belle audience, il touche à la fois les professionnels et le grand public.
A qui s’adresse votre livre ?
Le livre que j’ai co-écrit avec Marie-Laure Cahier s’adresse à tous les auteurs et aux éditeurs. Nous distinguons quatre catégories d’auteurs et notre livre s’adresse à eux : les auteurs édités traditionnellement, les primo-auteurs ou aspirants auteurs, les auteurs indépendants et les auteurs hybrides. Le livre est volontairement accessible et pas du tout technique afin de permettre à chacun de trouver des informations qu’il pourra mettre en pratique. Mais les éditeurs pourraient y apprendre aussi beaucoup de choses !
Vous avez signé un contrat avec un éditeur reconnu pour la version papier de votre livre, et simultanément vous autoéditez la version numérique. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette démarche novatrice ?
Pour nous, il était impensable d’écrire un livre sur l’autoédition sans montrer l’exemple. C’est pour cela que nous avons négocié avec Eyrolles pour garder l’exploitation numérique du livre. Si vous regardez la version papier du livre, la maquette n’est pas tout à fait la même que dans la version ebook. La couverture est quasiment identique mais sur la version ebook il n’y a pas le logo de l’éditeur. Le prix est également différent. A ce titre et bien d’autres, « Publier son livre à l’ère numérique » est un démonstrateur qui invite à découvrir les passerelles possibles entre édition traditionnelle et autoédition. Notre éditeur est intéressé par la démarche et nous avons convenu de partager avec lui les résultats de notre action en numérique.
La notion d’ « auteur-entrepreneur » se trouve au cœur de votre livre, que recouvre ce terme ?
L’auteur-entrepreneur est celui qui utilise toutes les possibilités offertes par le numérique pour créer, éditer, diffuser, vendre et/ou promouvoir son œuvre. En plus d’écrire, il doit prendre en charge d’autres activités, comme la fabrication, la mise en vente, le marketing et la gestion de son livre. Les auteurs publiés chez des éditeurs classiques deviennent (et deviendront), de plus en plus souvent, des « auteurs hybrides », certains de leurs textes étant publiés en édition traditionnelle, d’autres en autoédition. Eux aussi ont donc vocation à devenir des auteurs-entrepreneurs, d’autant que même publiés chez un éditeur, ils doivent souvent prendre en charge activement une partie de leur promotion, qu’elle soit numérique ou non. L’ensemble de ces pratiques représente un phénomène en forte croissance et commence à compter dans le paysage éditorial.
Aujourd’hui, un auteur indé ou pas doit se retrousser les manches pour porter son livre et lui donner toutes ses chances, c’est cela un auteur-entrepreneur !
L’autoédition est-elle avant tout une solution pour publier des romans ou est-elle pertinente pour d’autres genres de livres ?
Nous en parlons dans notre livre justement, il y a un passage qui s’appelle : « Il n’y a pas que le roman dans la vie ». Aujourd’hui avec les plateformes d’autoédition, on se rend compte que la littérature fonctionne bien, mais il y a une myriade de livres publiés par des professionnels dans différents domaines qui sont de véritables succès (nouvelles technologies, bien-être, développement personnel, création d’entreprise, par exemple). Nous en donnons quelques exemples dans « Publier son livre à l’ère numérique ».
D’après vous, un auteur autoédité doit-il privilégier le livre papier, le livre numérique, ou utiliser les deux formats ?
Je pense qu’il doit d’abord privilégier le numérique car ce format lui permet de proposer son livre à moindre prix pour le lecteur final. Un auteur qu’on ne connait pas ne peut se permettre d’arriver sur le marché en proposant un livre numérique à 10 euros. Mais le papier est également important : avec les solutions d’impression à la demande, il est tout à fait possible aujourd’hui de proposer son livre au format papier sans pour autant en avoir 500 exemplaires à la maison, mais le livre papier a un coût, il est rarement vendu à moins de 9 ou 10 euros et cela freine un peu le lecteur.
Votre livre contient un chapitre sur la promotion. Il s’agit d’un point important pour le succès d’un livre. Un auteur indépendant qui se lance, inconnu du public, peut-il vraiment être efficace sans disposer d’un budget conséquent ?
Je pense qu’il y a deux phases à respecter, se lancer et être créatif pour promouvoir son livre avec zéro budget, en particulier grâce aux réseaux sociaux, et au bout d’un petit moment investir à minima dans la promotion. Investir 10 000 euros dans de la promo relèverait du délire pour un indé ; en revanche consacrer un budget entre 100 et 1000 euros à un rendu professionnel (couverture, corrections, conversion de fichier et promotion) peut sembler raisonnable pour accroître la visibilité de son livre ; tout dépend de la feuille de route qu’on s’est fixée. Ce qui est sûr, c’est que les indés devront devenir de plus en plus professionnels pour émerger.
Quel regard les éditeurs traditionnels portent-ils sur l’autoédition aujourd’hui ? Leur point de vue a-t-il évolué sur les cinq dernières années ?
Je subodore que les mentalités sont en train de changer. Les éditeurs, les libraires sont de grands observateurs, ils se rendent compte que petit à petit l’autodédition sort de son ghetto et devient un maillon à part entière de la chaine du livre. Cela prendra un peu de temps mais les deux modes de publication trouveront leur modus vivendi, en tous les cas je l’espère.
De nombreux auteurs débutent dans l’autoédition. Un conseil à leur donner ?
ECRIVEZ !! Concentrez-vous sur votre livre, faites-le relire, demandez des avis et pensez à chouchouter le lecteur final en lui proposant un livre de qualité. Et puis, utilisez les conseils qui sont dans notre livre pour vous armer et le porter au-delà de votre tiroir !
Un grand merci à Elizabeth pour le temps qu'elle nous a accordé. A bientôt pour d'autres échanges enrichissants.