Quel statut juridique et fiscal adopter en tant qu’auteur de livres en auto-édition ? Eléments de réponse.
Ces indications sont données à titre informatif et ne sauraient remplacer la consultation d’un professionnel (avocat, expert-comptable, Centre des impôts etc.).
Il n’y a pas de régime spécifiquement adapté à l’autoédition. Il faut donc choisir parmi les solutions existantes. Chaque formule comporte des avantages et inconvénients. Pour démarrer, vos choix doivent être guidés par la simplicité avant tout. Si vous rencontrez le succès, ne tardez pas à adapter votre régime avec l’aide d’un spécialiste.
Il faut distinguer deux aspects : le fiscal et le social. Le fiscal correspond aux impôts que vous devez payer à l’Etat (par exemple l’impôt sur le revenu). Le social correspond aux cotisations sociales à payer aux caisses de Sécurité Sociale (par exemple les cotisations à l’Urssaf ou au RSI). Vous devez être en règle sur ces deux plans.
Une tolérance pour les « petites sommes » ?
Vous débutez dans l’autoédition ou vous publiez un livre sur un sujet de niche, vous savez que vous allez probablement vendre de petites quantités de livres pendant les premiers mois … Vous pouvez être tenté d’attendre avant de déclarer officiellement une activité. « Après tout, si j’encaisse 300 € de redevances dans l’année, ce n’est pas bien méchant ! ».
En théorie, la tolérance des services fiscaux et sociaux est nulle. Les sommes concernées n’ont pas d’importance, que ce soit pour 100 € ou 10 000 €, vous devez déclarer une activité et verser des cotisations sociales.
En pratique, ils ont peu d’intérêt à vous envoyer un inspecteur pour éplucher vos comptes si vous avez vendu 50 exemplaires à 15 €… L’inspecteur en question a mieux à faire et de plus gros poissons à attraper dans son filet.
Si vous publiez juste votre livre « pour voir ce que ça donne », pas de panique ! Vous pouvez attendre quelque temps pour aviser. Si les ventes sont faibles, vous pourrez ajouter les revenus perçus sur votre déclaration d’impôt sur le revenu. Le risque est faible d’avoir un problème et cette déclaration témoignera de votre bonne foi, mais sachez tout de même que vous n’êtes pas en règle, notamment au niveau du social.
Les ventes s’envolent ?
Les ventes grimpent et deviennent conséquentes ? Ne perdez pas de temps pour déclarer officiellement une activité. Ce pour plusieurs raisons :
- Etre en règle vous aidera à dormir sur vos deux oreilles (la santé n’a pas de prix !)
- Pouvoir émettre des factures
- Ne pas perdre de temps si vos ventes décollent et que vous commencez à brasser des sommes conséquentes (déclarer une activité officielle et régulariser une situation après coup vous fera perdre du temps à un moment où vous aurez besoin de vous concentrer sur votre livre)
De plus, déclarer officiellement votre activité n’est pas compliqué, notamment grâce au statut de micro-entrepreneur très simple à mettre en place et à gérer.
Le statut de micro-entrepreneur
Ne dites plus que vous êtes auto-entrepreneur, le nom a changé, désormais on dit « micro-entrepreneur« . C’est d’une façon générale un statut pertinent pour un auteur indépendant. Les formalités sont très simples. Un système forfaitaire permet d’éviter les calculs compliqués.
Vous vous lancez et ne savez pas quel statut choisir ? Prenez celui-là !
Les impôts : BIC ou BNC ? Activité commerciale ou libérale ?
Une question fréquente des auteurs indépendants : faut-il déclarer les revenus des ventes en tant que BNC (Bénéfices Non Commerciaux) ou BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux) ?
Dans l’esprit de la loi, les BIC concernent une activité commerciale, qui consiste à acheter puis revendre des marchandises (des livres en l’occurrence) en faisant un bénéfice. Par exemple un libraire, un grossiste, un négociant…
Les BNC quant à eux concernent une activité libérale, c’est à dire « une profession dans laquelle l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consiste en la pratique personnelle, en toute indépendance, d’une science ou d’un art. Elle s’exerce dans les domaines suivants : paramédical, juridique, technique, intellectuel. » Par exemple une infirmière, un avocat…
Parmi les auteurs indépendants les deux cas existent et sont tous deux acceptables. Toutefois, les BNC correspondent mieux à l’esprit du législateur français en matière de produits culturels (voir le Bulletin Officiel des Finances Publiques sur les BNC, paragraphe 80).
Etes-vous avant tout un auteur/écrivain/artiste (activité libérale) ou bien un éditeur/commerçant qui vend ses travaux d’écriture (activité commerciale) ? En réalité, en autoédition vous êtes les deux simultanément. Mais vous devez choisir.
Sachez que l’administration fiscale n’a pas de point de vue arrêté, l’interprétation dépend des agents, des Centre des impôts, et bien sûr de votre cas personnel.
Le code APE
Vous devez nommer votre activité lorsque vous déclarez votre micro-entreprise. Par exemple « Auteur indépendant » ou « Artiste auteur », ou encore « Editeur de livres », etc. Un code d’activité vous sera fourni, le code APE. Ce code peut, parfois, orienter l’interprétation de l’administration. Si vous êtes enregistré avec le code 9003B (« autres créations artistiques ») il s’agira plutôt de BNC. Si c’est le code 5811Z, (« édition de livres ») ce seront plutôt des BIC. Toutefois, le code APE ne suffit pas forcément à caractériser votre régime fiscal, ce n’est qu’un paramètre.
Encore une fois, BIC ou BNC, les deux sont possibles, puisqu’en tant qu’auteur autoédité vous êtes à la fois un artiste qui mène une activité intellectuelle et un éditeur qui vend des marchandises. Les BNC sont toutefois, d’une façon générale, la meilleure solution.
La différence de calcul entre BIC et BNC
Il y a une différence de nature à comprendre, car le chiffre d’affaires ne sera pas déclaré de la même façon. Si vous déclarez des BNC, seul votre bénéfice sera pris en compte comme chiffre d’affaires. Avec les BIC en revanche, il faudra le calculer en prenant le prix de vente public de vos livres et le multiplier par la quantité vendue. Voici quelques descriptions de cas pour y voir plus clair.
1er cas : Vous ne commercialisez vos livres que via des plateformes en ligne (Bookelis, Amazon, Fnac, etc.). Vous commercialisez au format ebook et/ou au format papier en impression à la demande.
La plateforme les fabrique, les expédie et vous verse le bénéfice (parfois appelé « redevance » ou « royalties »). Vous ne faites pas de l’achat-revente au sens strict puisque c’est la plateforme qui gère cela pour vous ; il est cohérent de considérer qu’il s’agit de BNC. Votre chiffre d’affaires sera composé de la somme nette reversée par la ou les plateforme(s).
Exemple : votre livre papier est au prix de vente public de 12 €. Le coût d’impression indiqué par la plateforme est de 5 €. Sur une vente vous percevez 12 – 5 = 7 €. Pour 1 exemplaire vendu, votre chiffre d’affaires sera de 7 € si vous déclarez vos revenus en tant que BNC, ce qui est le plus cohérent dans ce cas de figure.
2e cas : Vous faites imprimer un stock de livres par Bookelis ou un imprimeur quelconque. Vous les stockez chez vous et les vendez sur des salons du livre, en librairie ou ailleurs. Il s’agit alors d’une activité commerciale d’achat-revente. Il est possible de déclarer ces revenus comme BIC. Votre chiffre d’affaires en tant que micro-entrepreneur sera composé de la quantité de livres vendus multipliée par le prix de vente public (et non pas du bénéfice, contrairement au cas ci-dessus où vous déclarez en BNC).
Exemple : en reprenant les mêmes données que dans l’exemple ci-dessus, votre livre papier est au prix de vente public de 12 €. Vous avez acheté un stock au prix unitaire de 5 €. Vous faites un bénéfice de 7 € par livre vendu. Pour 1 exemplaire vendu, votre chiffre d’affaires sera de 12 € si vous déclarez ces revenus en tant que BIC, ce qui est acceptable dans ce cas.
3e cas : Vous faites les deux. Vous vendez d’un côté sur des plateformes et en plus vous avez un stock de livres que vous revendez. Dans ce cas c’est en principe l’activité dominante qui va décider. Si plus de la moitié de votre chiffre d’affaires est réalisé en vendant via les plateformes en ligne, vous pouvez tout déclarer en BNC. Si au contraire vous réalisez une majorité de chiffre d’affaires en vendant le stock de livres que vous avez fait imprimé, vous pouvez tout déclarer en BIC. Il est inutile de déclarer une partie en BNC et l’autre partie en BIC, l’administration fiscale accepte que vous ne fassiez qu’une seule déclaration globale par simplicité.
Nota Bene : la plupart du temps, lorsque vous vous lancez, vous ne savez pas par quel canal vous allez vendre le plus (plateforme en ligne / salons du livres, etc.). En règle générale vous avez intérêt à déclarer vos revenus en BNC. N’hésitez pas à solliciter votre Centre des Impôts et à leur exposer votre cas, tout en leur montrant le Bulletin Officiel des Finances Publiques (paragraphe 80 intitulé « Auteur-Editeur »).
Le plafond de chiffre d’affaires
Il existe un chiffre d’affaires maximum que vous pouvez réaliser en tant que micro-entrepreneur. En 2024, le plafond est de 188 700 € pour les activités commerciales (BIC), et 77 700 € pour les activités libérale (BNC). Au-delà de ce montant, vous devez changer de régime (voir ci-dessous).
La CFE
Concernant la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE), si vous êtes en BNC vous en êtes normalement exonéré sans limite de temps. Si vous êtes en BIC en revanche, l’exonération n’est valable que la première année.
Les cotisations sociales
En plus des impôts il faut payer les charges sociales. En microentreprise, le calcul est forfaitaire (régime micro-social). Vous devez simplement appliquer un pourcentage à votre chiffre d’affaires. Rien de compliqué donc.
Si vous êtes en activité libérale (BNC), vous payez les cotisations à l’Urssaf.
Si vous en activité commerciale (BIC), vous payez les cotisations au RSI (Régime Social des Indépendants).
Les pourcentages de cotisations sont de l’ordre de 25% pour une activité libérale et de 13% pour une activité commerciale (ces taux changent chaque année ou presque). Le pourcentage de cotisations dans le cas de l’activité commerciale semble nettement plus favorable, mais en réalité ce n’est pas forcément le cas car l’assiette de calcul n’est pas la même (voir les exemples ci-dessus qui expliquent la différence de calcul de chiffre d’affaires).
Les paiements se font mensuellement ou trimestriellement.
Pour en savoir plus sur le régime du micro-entrepreneur, consultez le site de l’Agence France Entrepreneur.
La TVA
En tant que micro-entrepreneur vous n’êtes pas soumis à la TVA. Cela simplifie la gestion car il n’y a pas de déclaration à faire.
Sur vos factures, le montant Hors Taxes (HT) est égal au montant Toutes Taxes Comprises (TTC). Si vous utilisez un modèle de facture qui prévoit une ligne pour la TVA, cette ligne indique zéro.
Par contre, lorsque vous achetez un produit ou service, vous le payez TTC et ne pouvez pas vous faire rembourser la TVA. On ne peut pas tout avoir…!
Comment se déclarer ?
Rendez-vous sur le site officiel http://www.formalite.entreprise.gouv.fr
Les autres solutions
A partir de 77 000 € de chiffre d’affaires annuel environ, le régime de micro-entrepreneur devient inadapté.
Une solution consiste à créer une association ou une entreprise commerciale (EURL par exemple) qui publie les livres et reverse à l’auteur des droits d’auteur. Les droits d’auteur sont soumis à un régime fiscal bien particulier, plus favorable que les revenus commerciaux.
L’inconvénient de ce choix est que la gestion de la société nécessite de prendre un comptable et de procéder à toutes les déclarations obligatoires, comme n’importe quelle entreprise (TVA, taxe foncière, impôt sur les sociétés, etc..).
Ce montage nécessite donc de se faire conseiller par un professionnel (expert-comptable ou avocat).
Le régime des droits d’auteur et l’Agessa
L’Association pour la gestion de la Sécurité sociale des artistes auteurs (Agessa) s’occupe de l’affiliation et du recouvrement des cotisations sociales des artistes et auteurs. Il s’agit donc de leur Sécurité sociale. Ce régime est toutefois réservé aux « droits d’auteurs », c’est-à-dire des revenus versés à l’auteur par un tiers (éditeur en général) en contrepartie de la cession des droits de l’auteur sur son œuvre. Un régime juridique très spécifique donc.
En tant qu’auteur indépendant vous ne pouvez pas en bénéficier car vos revenus ne sont pas des droits d’auteur qui répondent à cette définition.
Les revenus perçus en autoédition sont des « redevances » ou plus exactement un chiffre d’affaires. Ils ne sont pas soumis au même régime (voir ci-dessus).
Sachez que vous ne perdez pas grand-chose, le régime de l’Agessa est très inégalitaire et profite à une toute petite minorité d’auteurs. Tous les auteurs publiés par un éditeur traditionnel doivent obligatoirement cotiser dès le premier exemplaire vendu (l’éditeur prélève directement les cotisations et les reverse à l’Agessa). Mais pour pouvoir s’affilier à l’Agessa (et donc bénéficier de la couverture sociale) il est obligatoire de percevoir des revenus d’auteur conséquents (plus de 8784 € par an, en 2023). Autant dire que la grande majorité des auteurs cotisent en pure perte…
Le cas des auteurs hybrides
Vous avez la double casquette : publié par un éditeur pour certains livres et autoédité pour d’autres livres ?
Vous êtes alors simultanément soumis à deux régimes sociaux et fiscaux différents.
1- Votre éditeur paie directement à l’Agessa les cotisations sociales obligatoires sur les droits d’auteurs qu’il vous verse. Si vous percevez moins de 9000€ par an (en 2023), vous ne pouvez pas vous affilier à l’Agessa. Vous cotisez donc sans aucune contrepartie en termes de couverture sociale (eh oui !). Ceci pour la partie sociale. Pour la partie fiscale de ces droits d’auteur, vous devez les déclarer en traitements et salaires ou en BNC (consultez un spécialiste pour faire le meilleur choix).
2- Pour ce qui concerne vos livres autoédités, vous devez déclarer les revenus et payer les cotisations sociales via un autre moyen, autoentrepreneur par exemple (voir ci-dessus) ou société commerciale.
A retenir
- Seul un professionnel (avocat, expert-comptable, centre des impôts…) est en mesure de vous conseiller de façon pertinente car les cas particuliers sont nombreux
- En théorie, vous devez déclarer votre activité, même pour de petites sommes
- Le statut de micro-entrepreneur (auto-entrepreneur) est la formule la plus simple pour les auteurs indépendants
- Sauf cas particulier, le régime BNC est à privilégier (voir le Bulletin Officiel des Finances Publiques, paragraphe 80 intitulé « Auteur-éditeur »)
- Le régime social de l’Agessa ne concerne pas les auteurs autoédités
- Les auteurs hybrides peuvent être simultanément soumis à plusieurs régimes différents
- Si votre chiffre d’affaires dépasse les 33 000 € par an environ, étudiez la possibilité de créer une association ou une entreprise commerciale