LÉGENDES DÉMOCRATIQUES DU NORD LA SORCIÈRE

J. MICHELET

Nouveau produit

Genre : Romans
L'Église, qui ne voit dans la vie qu'une épreuve, se garde de la prolonger. Sa médecine est la résignation, l'attente et l'espoir de la mort.--Vaste champ pour Satan. Le voilà médecin, guérisseur des vivants.--Bien plus, consolateur; il a la complaisance de nous montrer nos morts, d'évoquer les ombres aimées. Autre petite chose rejetée de l'Église, la Logique, la libre Raison. C'est là la grande friandise dont l'autre avidement se saisit. L'Église avait bâti à chaux et à ciment un petit...
 
Résumé
L'Église, qui ne voit dans la vie qu'une épreuve, se garde de la prolonger. Sa médecine est la résignation, l'attente et l'espoir de la mort.--Vaste champ pour Satan. Le voilà médecin, guérisseur des vivants.--Bien plus, consolateur; il a la complaisance de nous montrer nos morts, d'évoquer les ombres aimées. Autre petite chose rejetée de l'Église, la Logique, la libre Raison. C'est là la grande friandise dont l'autre avidement se saisit. L'Église avait bâti à chaux et à ciment un petit in-pace, étroit, à voûte basse, éclairé d'un jour borgne, d'une certaine fente. Cela s'appelait l'École. On y lâchait quelques tondus, et on leur disait: «Soyez libres.» Tous y devenaient culs-de-jatte. Trois cents, quatre cents ans confirment la paralysie. Et le point d'Abailard est justement celui d'Occam! Il est plaisant qu'on aille chercher là l'origine de la Renaissance. Elle eut lieu, mais comment? par la satanique entreprise des gens qui ont percé la voûte, par l'effort des damnés qui voulaient voir le ciel. Et elle eut lieu bien plus encore, loin de l'École et des lettrés, dans l'École buissonnière, où Satan fit la classe à la sorcière et au berger. Enseignement hasardeux, s'il en fut, mais dont les hasards même exaltaient l'amour curieux, le désir effréné de voir et de savoir.--Là commencèrent les mauvaises sciences, la pharmacie défendue des poisons, et l'exécrable anatomie.--Le berger, espion des étoiles, avec l'observation du ciel, apportait là ses coupables recettes, ses essais sur les animaux.--La sorcière apportait du cimetière voisin un corps volé; et pour la première fois (au risque du bûcher) on pouvait contempler ce miracle de Dieu «qu'on cache sottement, au lieu de le comprendre» (comme a dit si bien M. Serres). Le seul docteur admis là par Satan, Paracelse y a vu un tiers, qui parfois se glissait dans l'assemblée sinistre, y apportait la chirurgie.--C'était le chirurgien de ces temps de bonté, le bourreau, l'homme à la main hardie, qui jouait à propos du fer, cassait les os et savait les remettre, qui tuait et parfois sauvait, pendait jusqu'à un certain point. L'université criminelle de la sorcière, du berger, du bourreau, dans ses essais qui furent des sacrilèges, enhardit l'autre, força sa concurrente d'étudier. Car chacun voulait vivre. Tout eût été à la sorcière; on aurait pour jamais tourné le dos au médecin.--Il fallut bien que l'Église subît, permît ces crimes. Elle avoua qu'il est de bons poisons (Grillandus). Elle laissa, contrainte et forcée, disséquer publiquement. En 1306, l'italien Mondino ouvre et dissèque une femme; une en 1315.--Révélation sacrée. Découverte d'un monde (c'est bien plus que Christophe Colomb). Les sots frémirent, hurlèrent. Et les sages tombèrent à genoux. Avec de telles victoires, Satan était bien sûr de vivre. Jamais l'Église seule n'aurait pu le détruire. Les bûchers n'y firent rien, mais bien certaine politique. On divisa habilement le royaume de Satan. Contre sa fille, son épouse, la Sorcière, on arma son fils, le Médecin. L'Église, qui, profondément, de tout son cœur, haïssait celui-ci, ne lui fonda pas moins son monopole, pour l'extinction de la Sorcière.--Elle déclare, au quatorzième siècle, que si la femme ose guérir sans avoir étudié, elle est sorcière et meurt. Mais comment étudierait-elle publiquement? Imaginez la scène risible, horrible qui eût eu lieu, si la pauvre sauvage eût risqué d'entrer aux Écoles! Quelle fête et quelle gaieté! Aux feux de la Saint-Jean, on brûlait des chats enchaînés. Mais la sorcière liée à cet enfer miaulant, la sorcière hurlante et rôtie, quelle joie pour l'aimable jeunesse des moinillons et des cappets!
 
Informations techniques
Date de publication : 05/06/2018
Livre de type : Numérique
Numérique Bookelis

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